Quand j’écris pour le théâtre, je suis à la fois enfermée et libre dans cet espace-temps si particulier.
Dire sans décrire. Se taire sans expliquer. Savoir que le temps du récit échappe au temps de la représentation. Rattraper l’un pour qu’il épouse l’autre. Avoir la vision concrète des mots et des silences dans l’épaisseur des corps, l’axe des regards, la géométrie du plateau. Écouter à l’intérieur de soi les rythmes, les phrasés possibles. Être consciente que cet imaginaire ne sera pas nécessairement celui de la mise en scène. Mais poursuivre pourtant comme si l’on pouvait tout faire : écrire, mettre en scène, jouer. Mais poursuivre avec ce sentiment un peu étrange qu’un jour, on ira confier son texte à des interprètes dont on ne sait rien. Mener ses personnages jusqu’au bout en se faufilant au milieu de toutes ces contradictions. Se sentir importante et humble. Avoir envie de... et puis renoncer... pour laisser la place. Espérer qu’un jour ce texte sera porté, trituré, bousillé, embelli, défendu, par des inconnus. C’est très excitant. À la fois frustrant et doux.
Le plus important, écrire en croisant les doigts (et ce n’est pas facile !) pour que demain ou plus tard ce texte soit vivant. Et vivant, sans moi.